présentation

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Franck Betermin, un œil sensible toujours à l’écoute

 Franck Betermin, formé aux Arts et techniques visuels, use de son regard recomposé comme d'un sixième sens pour révéler la profondeur d'âme et de champ de tout objet ou sujet qu'il prend pour cible. Une perspective inattendue, un angle original, une pose improbable et la scène la plus banale devient sa création.

Élevé dans les coulisses de la compagnie de marionnettes de son père, Franck maîtrise les ficelles de la mise en scène et révèle une photographie résolument cosmopolite à l’image des influences plurielles dont il se nourrit. La Chambre claire de Roland Barthes lui donne le goût pour les dualités, les personnages dissemblables, les scènes hétéroclites tandis que la photographie iconoclaste de William Klein lui apporte le grain subversif du cliché, l'entraîne vers la pratique du grand angle. Les maîtres du reportage photographique et cinématographique que sont Cartier-Bresson et Depardon, lui ont également beaucoup appris lors de sa formation avec un éclairagiste de cinéma. Mais cet œil sous influences sait également se faire rieur, car il n’est pas rare de penser à la photographie nimbée d'humour d'Eliott Erwitt lorsque l'on découvre les instantanés de voyage de Franck Betermin, saisissant des scènes de rue de Tokyo à New-York.

 Mais la signature du photographe est indéniablement à chercher du côté de l’humour et du partage, signes particuliers de cette personnalité truculente reconnue de tous, dont il use à l’envi pour que s’ouvrent toutes les portes, tous les visages et toutes les situations. Un photographe caméléon qui jamais ne fait tâche car il fait sien n’importe quel terrain. En digne aficionado d'Édika, le maître de l'absurde en BD, Franck se plaît à faire ressortir l’incongruité d’une scène, la poésie d’un moment ou l’image décalée d’une situation trop posée. Si la vie lui a fait quelques grosses cabosses, ce Rockeur à ses heures,  ne manque ni de cœur ni de pudeur pour toucher tous les gens qu’il approche à grands traits d’humour et d’éclats de rire tonitruants .
Et pourtant, ce qu’il cache d’ordinaire derrière son objectif est offert aujourd’hui comme une vérité crue : sa sensibilité et son insatiable besoin d’attirer le regard ! Comme dans la Lettre volée d'E. Alan Poe, Franck applique à lui-même ce qu’il apporte à la photographie. Il donne à voir ce qui doit se deviner, à qui veut le voir…

 1992-2024 : un regard de 32 ans

Franck Betermin fait mouche dès sa première exposition de clichés en noir et blanc en 1996, intitulée Arrêt sur désirs. Quelques portraits sensuels et pudiques mettent en lumière la part d'ombre de ce qui est dissimulé, les subtiles promesses de ce qu'il reste à dénuder. Sa propension à l'immersion totale s’illustre très vite à travers ses reportages qui lui permettent d'approcher au plus juste certains sujets, parfois difficiles et exigeants pour des news-magazines de renom.

L'œil de Franck décloisonne la photographie qu'elle soit institutionnelle, promotionnelle ou artistique, guidé par sa propre ligne de conduite : « En photographie, soit tu subis, soit tu mets en scène ». Photographe indépendant, en parallèle des reportages de commande pour des grands magazines comme L'Express ou Le Point, des publications institutionnelles ou des agences publicitaires, Franck poursuit des travaux personnels sous forme de studios éphémères ou de street-photography à travers le monde.

Au bout de la rue, son objectif

 « Nous perdons tous sans cesse des choses qui nous sont précieuses... des occasions précieuses, des possibilités, des sentiments qu'on ne pourra pas retrouver. C'est cela aussi vivre. Mais à l'intérieur de notre esprit, il y a une petite pièce dans laquelle nous stockons le souvenir de toutes ces occasions perdues. » Haruki Murakami

 De la recherche des occasions perdues de Murakami, aux instantanés enchantés de Franck Betermin, il y a 30 ans. 30 années de street-photography, 20 années de bourlingues spontanées, parfois exotiques et souvent impromptues ! Qui connaît le photographe, connaît ses envies de départ impulsives, immédiates et impérieuses, pour reprendre un  souffle qu’il croit momentanément perdu, pour ouvrir une nouvelle fenêtre sur un horizon moins familier, sur un monde qu’il ressent étriqué et déjà apprivoisé, pour se nourrir des gens qui passent, du temps qu’il pause.

 Bienvenue dans la photothèque de Franck Betermin et ses témoins retrouvés de 20 ans de regards posés sur un monde à son image : celui de voyages, les yeux dans les yeux, dans l'intimité partagée d'une déambulation souvent urbaine, colorée, poétique, foisonnante et vivante. Berlin, Bruxelles, Istanbul, Las Vegas, Melbourne, New-York, Pékin, Point-à-Pitre, Porto, San Francisco, Séville, Tokyo… son CV est le glossaire d’un guide du routard de grandes villes qu’il a parcourues à pieds et à l’œil.

La rue, il l’arpente à cru, pour confronter son regard aux fantasmes qui l’animent lors de ses déambulations. Il est à la chasse, à l’affût, dans l’attente d’un moment fugace dont il fera sa poésie.  L'odyssée de Franck Betermin est une quête d’ombres, de lumières, d’acteurs insolites ou de personnages authentiques, dans un théâtre urbain dont il tire les ficelles pour nous offrir un spectacle jubilatoire.  Il y trouve des visages, des figures, quelques archétypes, qu'il isole volontairement d'un monde grouillant, pour nous en dévoiler son humanité.

 Franck nous offre ses yeux comme moyen de transport pour découvrir les rues d’une Tokyo extravagante et mystérieuse, d’une Séville sensuelle et tempétueuse, pour porter notre regard sur ces femmes, ces hommes, ces enfants capturés par le battement de son œil. Nous sommes au cœur du sujet.  Franck ouvre sa boîte noire pour nous les raconter, ces sentiments précieux que l’on croit oubliés, ses occasions perdues qu'il a finalement su trouver…


Franck a obtenu le Grand prix Photographique de Bretagne en 2017

 

Cécile PELTIER